samedi 9 novembre 2013

Centres commerciaux : la folie des grandeurs

Pour capter des clients plus exigeants mais aussi moins dépensiers, les nouveaux centres commerciaux cherchent à "réenchanter" la consommation. Au détriment des terres agricoles et du tissu commercial existant.
Ces phrases pourraient être tirées du dernier tract de SPLF45.
Ce sont juste les premières lignes d’un article de
Sandra Moatti intitulé « Centres commerciaux : la folie des grandeurs
» paru dans l’édition de novembre 2013 du journal « Alternatives Économiques ». Lire l'article (consultable en ligne pour les abonnés ou au prix de  1 € 50).
 
Il est remarquable que les idées dont on ne peut pas débattre avec la mairie de Saint-Jean-de-Braye fassent l’objet d’un article de fond dans un journal connu pour ses positions plutôt modérées.

Nous en publions ici un bref compte-rendu de lecture.

L’article constate qu’en dépit de la crise de la grande distribution, « on continue  à créer des surfaces commerciales à tour de bras ».

Une logique de bulle

Cette fuite en avant présente toutes les caractéristiques d’une bulle.
Depuis une quinzaine d'années en France, le parc de surfaces commerciales croît plus vite que la consommation. Il a progressé de 60 %, alors que, dans le même temps, la consommation n'a progressé que de 36 % (Art. Alter Eco n° 329 nov. 2013)
 explique Pascal Madry, directeur du club d'enseignes Procos. 

Cette folie des grandeurs, tous les acteurs de la chaîne la partagent et l’entretiennent.

Les enseignes pensent avoir tout à gagner dans l’extension sans fin de leurs espaces commerciaux : renforcement de leur pouvoir de négociation auprès des fournisseurs, économie en matière de logistique, conquête de parts de marchés. Même si les loyers sont toujours plus élevés et « si la rentabilité moyenne au mètre carré stagne , voire diminue ».

Les investisseurs et les promoteurs, du fait de l’augmentation constante des loyers et des baux de longues durée, se procurent par l'investissement en immobilier commercial des rendements élevés pour un risque limité. 

Du côté des collectivités territoriales, l’article devient particulièrement intéressant lorsqu’il pointe leur écrasante responsabilité dans la création de cette bulle : 
Cet emballement n'aurait pas été possible sans le consentement des collectivités locales, qui livrent une quantité surabondante de foncier aux projets commerciaux (...) Dans un contexte de compétition des territoires, la moindre agglomération veut son retail park (parc d'activités commerciales), et les emplois et les taxes qui vont avec.(art. déjà cité)
Gagnants et perdants

L’article souligne ensuite que la bulle - c’est le propre de toute bulle - crée ses gagnants ... et ses perdants. 
D'ores et déjà, la vacance commerciale progresse, en particulier dans le centre des villes petites et moyennes et dans les centres commerciaux de taille intermédiaire. Et ce n'est qu'un début.(art. déjà cité)
L’article fournit de très intéressantes informations sur les friches commerciales auxquelles nous renvoyons le lecteur. Il serait intéressant d’obtenir des informations sur les friches commerciales dans l’Agglo et la façon dont elles sont traitées...

Mais intéressons-nous à présent aux gagnants, à ceux qui se maintiennent mais à quel prix pour l’environnement et le tissu commercial existant (lire à ce sujet l’encadré dans l'article sur Europa City).

Les petits centres commerciaux qui jouent la carte de la proximité parviennent à résister.

Ainsi que quelques très grands centres commerciaux.
La recette de ces derniers : 

Attirer les meilleures enseignes et surtout s’implanter sur “des lieux de transit importants, comme les gares ou les aéroports, à l'instar d'Aéroville (...) près de l'Aéroport de Roissy” (douze millions de visiteurs par an.).
Car "aujourd'hui, le commerce va se greffer sur des attracteurs non marchands", note Philippe Moati. Dans le périurbain, ce sont des espaces naturels, comme dans les Green center du groupe Frey, ou des parcs publics où l'on peut pratiquer une activité sportive, comme dans les villages Oxylane, la foncière de l'enseigne Décathlon. Plus généralement, le couple commerce-loisirs fait florès. A l'offre commerciale classique vient s'adjoindre de plus en plus une offre culturelle et récréative, des services de restauration, et même des services non marchands - comme les crèches que Mercialys, la foncière du groupe Casino, implante dans certains de ses centres. Europa City, le projet pharaonique d'Immochan sur le triangle de Gonesse, entre Roissy et Paris, concentre à lui seul toutes ces tendances.
Que le projet Oxylane, projet éminemment commercial, soit présenté à la salle des fêtes de Saint-Jean-de-Braye comme un projet d’équipement sportif montre à quel point la grande distribution a su phagocyter les esprits.

Non content de disposer en France contrairement à d’autres pays d’une « organisation du commerce (qui) relève du droit commercial et non du code de l’urbanisme malgré son impact décisif sur les flux et les paysages », le groupe Mulliez voudrait « densifier ses sites commerciaux et y intégrer d’autres fonctions comme : logement, bureaux, services » et faire de ces sites « le noyau de nouvelles centralités dans les périphéries. »

Le
groupe Mulliez cherche à devenir un acteur majeur de l’aménagement non seulement commercial mais urbain.
A Saint-Jean-de-Braye, la mise à disposition d’équipements sportifs jouxtant des surfaces de ventes s’inscrit dans la même stratégie : faire tourner la vie sociale et sportive autour d’un pôle marchand Oxylane.

Il est des villes et pas des moindres qui se sont engagées dans le mouvement « Villes en transition ».

Nous attendons aussi une « transition » à Saint-Jean-de-Braye : une rupture en matière d’aménagement commercial avec cette logique de bulle si bien décrite par Alter Eco, l’abandon d’un projet initié par la municipalité précédente, la prise en considération du point de vue - fut-il critique - des associations : à part quelques galéjades du type « vous n’avez qu’à vous faire élire », la mairie n’a répondu à aucun de « Nos arguments ». Une curieuse façon de faire vivre la démocratie et le débat public.
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